Il était tôt quand le bus se figea à l’arrêt.
- Désolé, petit ! Je ne vais pas plus loin !
Le jeune homme descendit du bus et maugréa un merci. Il attendit d’ailleurs que le bus soit parti pour enlever sa capuche et observer les horizons. Mis à part une forêt et des prairies, il ne voyait pas grand-chose. La route sur laquelle il ne tenait se transformait d’ailleurs en chemin de terre au fur et à mesure qu’il s’enfonçait entre les arbres. Les seuls trucs encore, plus ou moins civilisés dans le décor étaient cet arrêt de bus, complétement paumé au milieu de nulle part et un panneau sur lequel on pouvait lire ceci :
« Thiercelieux – Tout droit, 15 minutes de marche.
Habitants : 34
Jours restants : 33. »
Le jeune homme bloqua quelques instant sur le panneau. Il remarqua que les indications venaient d’être fraichement repeintes. Il soupira et se mit en route, tout en tirant son énorme valise, pour Thiercelieux.

Le village était particulièrement rustique… C’était à se demander s’il y avait bien l’électricité et l’eau courante dans le coin. De plus, une vielle dame passa et le regarda de travers. Elle portait une vielle robe qui lui fit penser qu’il avait dû ce trompé d’époque.
- Erf… Charmant le voisinage…
Il avança et trouva une vielle bicoque qui semblait un peu plus grosse que les autres. Quedef Depoche, c’était pourtant le bon nom… l’étranger frappa alors à la porte. Ce fut un grand homme blond, dans la quarantaine, élégamment habillé, qui le ramena à la réalité.
- Daisuke ?! Je ne pensais pas que tu viendrais !
- Salut, tonton.
- Viens, ne restons pas dans le froid !

L’intérieur était bien plus accueillant. Quentin prépara rapidement quelque chose pour son neveu qui avait énormément voyagé ces derniers jours. Il prit ensuite tout le loisir de le regarder. Bien qu’il y ait longtemps qu’ils ne s’étaient vus, Daisuke avait toujours ses cheveux blanc cassé en crête accompagné de ses iris beige pâle. Il avait par contre bien grandi et dépassait presque son oncle haut de 1m75. Il était aussi très fin mais cela pouvait être dû aux derniers événements…
- Ça va ? Tu as fait un bon voyage ?
Daisuke termina rapidement son assiette avant de répondre à son oncle. Le silence qu’il engendrait était d’ailleurs, bien gênant…
- Mouais… Un peu long. Je suis content d’être arrivé.
- J’aurais jamais pensé te voir venir ici…
- Moi non plus…
- Tu sais… Je suis désolé pour tes parents !
- J’ai pas envie d’en parler.
- Je comprends. Viens, On va monter tes affaires dans la chambre d’ami. Ça te suffira ? Par contre, je vais devoir me rendre plus tard à la mairie pour une petite réunion. Je reviendrais au soir.
Daisuke acquiesça et s’installa dans la chambre. Une fois sa valise défaite et ses affaires rangées, il sortit de sa chambre pour prendre une petite douche – Après temps d’heures de trajet, il en avait bien besoin – mais il surpris une discussion entre son oncle et un inconnu. Préférant ne pas se montrer, il resta tout de même en haut de l’escalier pour épier la conversation :
- C’est juste mon neveu. Ses parents sont morts récemment et il ne savait pas où aller. Alors, je l’ai accueilli.
- Tu es malade ! Si jamais il découvre ? Tu vas faire quoi ?
- On verra en temps voulu ! Entre-temps, je sais faire attention !
- Tu sais que tout le monde suspecte Harumi ?
- Oui, elle devra faire profil bas à la réunion. Viens, sinon on va être en retard !
Daisuke ne comprit pas la conversation. L’inconnu lui paraissait par contre bien bizarre. Mais il devait se faire des illusions… Et il avait surtout besoin d’une bonne douche !

- Je suis rentré !
Quedef trouva Daisuke affalé dans le divan, endormi. Il préféra ne pas le réveillé tout de suite et prépara le souper avant. Il eut cependant quelques difficultés à sortir son neveu du sommeil et ce dernier n’émergea vraiment que durant le repas.
- Ca a été ta réunion ?
- Oui, sans problèmes. Et toi, tu t’es bien reposé ?
- Je me suis endormi sans m’en rendre compte.
- Tu m’as l’air encore crevé ! Tu ferais mieux de continuer à te reposer !
- Je vais plutôt aller prendre l’air, ça me…
- NON !
Daisuke fut surpris de voir une telle réaction de son oncle. Si bien qu’il lâcha les assiettes qu’il tenait dans les mains.
- Désolé, j’ai réagi trop violement. Tu ne le sais pas encore mais il y a des loups qui trainent dans le coin. Il ne vaut mieux pas sortir la nuit et le soleil va bientôt se coucher. Du coup, je préfère que tu restes à l’intérieur.
- Ah… D’accord.
Un silence gênant s’installa entre les deux personnes. Daisuke pensa qu’il n’était plus un enfant et qu’il pouvait très bien se défendre contre des loups. Il sortirait un peu plus tard, lorsque son oncle dormirait.

Cependant, son oncle ne se coucha pas. Le surveillant depuis le haut de l’escalier, Daisuke fut surpris de t’entendre une voix qu’il avait déjà entendu ce matin :
- Désolé t’être entré ainsi ! Tout est prêt ?
- Laisse-moi le temps de l’enfermer et on pourra y aller.
- Dépêche-toi ! On n’a pas que ça à faire !
- Je sais…
Quedef monta rapidement pour voir si son neveu dormait bien. Il s’empressa alors de fermer la porte de derrière et celle d’entrée, laissant Daisuke seul, enfermé dans la maison. Tout cela lui semblait bien suspect. Tentons une sortie, pensa-t-il. Il avait heureusement un arbre juste en face de la fenêtre de sa chambre. Il se dit aussi qu’il serait bien de prendre de quoi se défendre… Sa batte de base-ball lui serait enfin utile. Il descendit habilement de sa chambre et atterrit discrètement au sol. Il observa le petit village mais ne put rien vraiment distinguer : la lune n’était toujours pas levée. Cependant, malgré la pleine ombre, Il était facile de deviner que l’oncle était déjà bien loin. Mais où avait-il bien pu passer ? Dans la forêt ?
Daisuke arpentait maintenant le village, caché dans l’ombre des maisons formées par la lune. Elle apparaissait enfin… Mais elle ne présageait rien de bon. Le neveu commençait à regretter de ne pas avoir écouté son oncle.
- Ha ha… C’est marrant comme il n’est plus rassurant ce village, tout d’un coup ! Erf… Pourtant il n’y a rien de bien menaçant dans le coin !
Il essayait vainement d’effacer la peur qui s’installait en lui mais le hurlement sinistre qu’il entendit derrière lui dans les bois provoqua l’effet inverse.
- Gloups… Flanche pas, vieux ! Y a quelque chose de pas normal et je vais découvrir ce que c’est !
Mais jamais il aurait pu deviner ce qui allait se passer par la suite : un immense loup sortit des bois et atterrit sur la place du village à quelque mètre de lui. Ce dernier le fixait intensément si bien que la proie se demandait quand son prédateur allait lui sauté dessus. Ne préférant pas attendre plus longtemps de servir de diner, Daisuke s’enfuit à toute vitesse en direction du bois mais était-ce une bonne idée ?

Le loup, qui était maintenant à sa poursuite, était en train de chercher son en-cas caché derrière un arbre, batte au poing, prête à atterrit sur la gueule de l’agresseur. Celle-ci fendit l’air au moment opportun et assomma le loup. C’était bien sûr sans compter sur les deux loups à l’affût derrière la pauvre victime. Heureusement pour lui, il réagit à temps quand le deuxième loup lui sauta dessus et il réussit à l’esquiver et à l’assommer. Cependant, Daisuke reçut un choc quand il s’intéressa au dernier loup.
- Ton… Tonton ?
Sans même lui répondre, le loup lui sauta dessus et agrippa de sa forte mâchoire le bras du malheureux. Il n’arrivait pas à en croire ses yeux… Il ne pouvait pas en croire ses yeux… Son oncle était… Un loup-garou ?

La douleur soudaine le ramena à la réalité. Il s’empressa alors de serrer sa batte et de frapper de force ses forces restantes le loup qui broyait maintenant son bras. Ce dernier s’effondra alors à côté de sa proie. Il fut alors surpris par le ciel qui commençait à s’éclaircir. Le jour allait enfin se lever après une nuit si effrayante et éreintante… Daisuke ne put s’empêcher de soupirer, il avait réussi à survivre face à des loups-garous, aussi surprenant que cela puisse être. Entre-temps, Les trois loups avait enfin repris forme humaine. Il reconnaissait facilement l’ami de son oncle et l’oncle en question. Par contre, il n’avait encore jamais vu la ravissante belle aux longs cheveux argentés qui commençait maintenant à émerger tandis qu’un noir soudain se formait devant ses yeux…

- Quedef, ça va ?
- Oui, Harumi. J’ai peur, c’est tout.
La jeune femme aux cheveux blonds argentés s’assit à côté du Maire et tenta de le rassurer mais sans y arriver. Le deuxième homme, lui, n’arrêtait pas de faire les cent pas.
- Coco ! Tu veux bien rester tranquille ?
- Non, je n’arrive pas à me calmer ! De toute façon, j’avais prévenu Quedef ! Ça ne pouvait que mal se passer !
- Coco ! Tu crois qu’il ne s’en veut pas déjà assez comme ça ! De toute façon, c’est plus la faute du gamin ! Il n’avait qu’à obéir à son oncle, après tout !
- Mouais… On y va.
- D’accord…
Les trois lycans quittèrent la salle d’attente de l’hôpital et montèrent dans les étages pour arriver dans une petite chambre d’une personne. La personne qui s’y reposait ouvra les yeux et sourit à ses trois visiteurs.
- Tonton !
- Je suis content de voir que tu vas mieux, Daisuke. Ça va ? Je ne t’ai pas fait trop mal ?
- J’ai connu pire
Un fou rire général permit à l’ambiance de se détendre un coup. Mais Quedef reprit tout de suite son sérieux. Il avait quand même un petit détail à régler.
- Dis-moi, Daisuke. Tu te rends compte que ce que tu as appris cette nuit, tu devras le garder pour toi ?
- Ne t’en fais pas, Tonton ! De toute façon, je vous ai survécu, non ? Et je suppose que vu l’état de mon bras, je fais partie des vôtres, non ?
- Il est cultivé le petit ! Il doit tenir un peu de toi, s’exclama Harumi.
- Oui… Il me ressemble de plus en plus… Ne t’en fais pas, Daisuke ! On prendra le temps de tout t’apprendre avant la prochaine nuit !
Coco acquiesça avant de rajouter :
- En tout cas, pour cette fois, on peut dire que ça finit bien à Thiercelieux…